MacroCosmos juillet-août 2018

50 JUILLET-AOÛT 2018 CHRONIQUES DE L'ESPACE de l’équipe à l’origine de cette découverte, alors qu’il effectuait des obser- vations de routine au moyen du Télescope Spa- tial Hubble du consortium NASA/ESA. Le spectre de réflectance de l’astéroïde – ensemble de longueurs d’onde de la lumière ré- fléchie par un objet – dif- férait de celui des petits Objets de la Ceinture de Kuiper (KBOs) semblables dont les spectres, pour la plupart inintéressants et dénués de caracté- ristiques particulières, contiennent peu d’informations relatives à leur composition. « Le spectre de réflectance de 2004 EW 95 différait notablement de celui des autres objets situés en périphé- rie du Système Solaire » précise Tom Seccull, auteur principal de l’article. « Il était suffisamment inhabituel pour susciter notre intérêt » . L’équipe a observé 2004 EW 95 au moyen des instruments X-Shooter et FORS2 installés sur le VLT. La sensibilité de ces spectrographes a permis à l’équipe d’obtenir des me- S ur cette courte vidéo figure une vue d’artiste de l’astéroïde exilé 2004 EW 95 , le tout premier astéroïde riche en carbone dont l’existence au sein de la Ceinture de Kuiper a été confirmée et qui constitue un vestige du Système Solaire primordial. La vidéo offre un survol de l’énigmatique asté- roïde en mouvement dans les ré- gions froides du Système Solaire, en raison d’interactions passées avec des planètes en migration. [ESO/M. Kornmesser] L a ligne rouge de cette animation montre l’orbite de 2004 EW 95 , avec les orbites des autres corps du système solaire en vert pour comparaison. [ESO/L. Calçada] sité Catholique Pontificale du Chili, co-auteur de l’étude. « 2004 EW 95 est non seulement en mouvement. Il est également très peu lumineux ! » ajoute Tom Sec- cull. « Il nous a fallu utiliser une mé- thode de traitement de données particulièrement avancée pour ex- traire le maximum d’informations. » Le spectre de l’objet présentait deux caractéristiques notables, ré- sultant de la présence d’oxydes fer- reux et de phyllosilicates. L’existence de ces minéraux au sein d’un KBO n’avait jamais été confir- mée auparavant. Elle plaide en fa- veur de la formation de 2004 EW 95 au sein du Système Solaire interne. Tom Seccull conclut : « Le fait que 2004 EW 95 occupe à présent les ré- gions froides et externes du Sys- tème Solaire suggère qu’une planète en mouvement dans le Système So- laire naissant l’a projeté sur son or- bite actuelle. » « Des rapports antérieurs font état des spectres atypiques d’autres Ob- jets de la Ceinture de Kuiper. Aucun toutefois ne s’est trouvé confirmé avec un tel degré de fiabilité » pré- cise Olivier Hainaut, un astronome de l’ESO extérieur à l’équipe. « La découverte d’un astéroïde carboné au sein de la Ceinture de Kuiper constitue un élément clé en faveur de l’une des prédictions fondamen- tales des modèles dynamiques du jeune Système Solaire. » sures plus précises concernant le spectre de la lumière réfléchie par l’astéroïde et, par là-même, d’en déduire sa composition. En dépit de l’impressionnant pou- voir collecteur du VLT, 2004 EW 95 s’avéra difficile à observer. L’objet, d’un diamètre de 300 kilomètres, se situe à quelque 4 milliards de kilo- mètres de la Terre. En outre, sa sur- face, riche en carbone, est particu- lièrement sombre. L’acquisition de données constitua donc un vérita- ble challenge scientifique. « Cela revient à observer un terril géant sur fond de ciel nocturne » , précise Thomas Puzia de l’Univer- !

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